« Urgence antiraciste – pour une démocratie inclusive », note 4 – sur le Racisme

C’est le co-président du MRAP et membre du CA d’Attac France, Augustin Grosdoy, qui est l’auteur du chapitre qui traite spécifiquement du «racisme aujourd’hui et ses différentes formes». Sans doute parce que l’ouvrage traite, dans ses autres chapitres, sous des angles spécifiques, de ce sujet, ce chapitre est très court. Après avoir donné une définition classique mais fondamentale du racisme, «essentialisation des personnes et une hiérarchisation des groupes humains», ce qui «permet de justifier la domination, l’asservissement, le rabaissement, la stigmatisation, la maltraitance, voire l’extermination de n’importe quelle personne ou groupe de personnes», il rappelle que c’est à l’époque moderne, et notamment alors qu’existe un mouvement appelé «Les Lumières», qu’est «venue s’y ajouter une idéologie qui répartit les gens selon des particularités physiques, ethniques ou culturelles en groupes biologiques («races»)», et que le «racisme négrophobe a servi à justifier l’esclavage et la traite négrière, le colonialisme et l’impérialisme», mais affirme aussi que «le racisme n’est pas une spécificité occidentale», ce qui constitue une erreur de formulation. En effet, si le racisme n’est plus, avec, depuis, et à cause d’une mondialisation de type colonialiste/esclavagiste, dans l’imposition de régimes politiques de modèles européens, capitalistes, les peuples non-européens, et les peuples européens de l’Antiquité, n’ont jamais connu ce racisme, tel que défini au début de ce chapitre, et si aujourd’hui des peuples non occidentaux en subissent les effets, c’est en raison de l’exposition qu’ils ont vécue, subie, avec la «culture européenne» de tel ou tel pays colonisateur. L’exemple coréen-japonais en est l’illustration : à partir de quand ce racisme anti-coréen a-t-il pris corps et s’est-il vraiment développé ? Ce n’est pas un hasard si «les sociétés européennes sont confrontées à une forte persistance de l’intolérance et du racisme», puisque c’est à partir de ces sociétés européennes que le racisme est apparu, s’est développé et a été instrumentalisé, en tant que double du racisme social, et en tant que masque de celui-ci (cf mon ouvrage sur «Du Racisme Social en Europe, et par extension dans le monde»). Heureusement, on peut contredire l’auteur, lorsqu’il affirme que «les idées racistes gagnent l’ensemble de la société» : les prolétaires, notamment urbains ou inclus dans un tissu social important, notamment au sein des lieux de travail, se révèlent plus imperméables au racisme, que ce qu’une sociologie de comptoir raconte sur eux, et leur présence dans des partis explicitement racistes ou de manière masquée, est faible ; et du côté des élites, ce racisme anti-étranger est presque nul, puisque les membres de ces élites ont l’habitude, et le goût, de vivre, travailler, avec des étrangers semblables à eux. Par contre, le racisme social, de ces élites, envers les prolétaires, est structurel, et des membres de ces élites, mais non intégrés au plus haut niveau, utilisent le racisme pour masquer le racisme social de leur classe. C’est qu’il s’agit, pour ces élites, d’assurer l’un des principes machiavéliques fondamentaux, diviser pour mieux régner, et les divers phénomènes sociaux, publics, liés aux étrangers sont, constamment utilisés pour réussir réaliser l’objectif de ce principe. C’est pourquoi l’auteur liste les groupes qui, en France, font l’objet de ce double racisme, qu’il s’agisse des musulmans, avec l’Islamophobie, les Roms. L’évaluation qu’il donne des principes, actions principales, par nos élites, de «l’Etat» est sévère mais, hélas, exacte : «Les déclarations et protestations d’humanité présidentielle ou gouvernementale, ne peuvent faire oublier le racisme et la xénophobie engendrés par certaines politiques de l’État et pratiqués par certains corps de l’État. Faut-il rappeler aussi la hiérarchisation des racismes, le rejet des réfugiés hors des frontières, l’indifférence face à la mort de tant de migrants, le marchandage honteux avec la Turquie, les accords de «réadmission» avec les pays du Sud, les mesures uniquement sécuritaires avec la prolongation de l’état d’urgence et la tentative d’extension de la déchéance de nationalité, le refus d’entendre ceux qui tentent d’expliquer la dérive de quelques centaines de jeunes qui se laissent convaincre par les thèses djihadistes…», et, dès lors, «comment s’étonner avec une telle politique qu’aucun progrès ne soit constaté dans la lutte contre les discriminations directes ou systémiques, liées à l’origine».

Et ce qui manque pour expliquer qu’aucune «mesure n’est prise pour réprimer les discriminations dont l’illégalité est rarement sanctionnée», c’est précisément ce racisme social, fondamental, qui est structurel en France, sous l’Ancien Régime et sous le Nouveau Régime, qui copie tant de caractéristiques du réputé «Ancien». Qu’ils ou elles soient à la rue, en étant «Français», ou non, toutes et tous, sont traités avec la même logique d’exclusion : le droit fondamental, l’habitat, dont disposent, et dans quelles conditions, les plus fortunés de France, notamment les familles des politiques et de la haute administration, ceux-là, et celles-là, s’en voient privés, même interdits de, au motif qu’ils n’ont pas l’argent nécessaire. Et s’ils prétendent occuper un logement inoccupé, ils sont qualifiés de «squatters», tandis que la multipropriété des plus fortunés est considérée et comme un droit et une comme une légitimité, et comme le signe d’une «grande fortune», contre laquelle l’État n’a rien à dire. La segmentation des actions d’organisations spécifiques, en fonction de la nationalité des personnes à la rue, correspond à la différenciation effectuée tant par l’État que par les racistes «normaux», entre les SDF «français», et les autres. 

Urgence antiraciste –Pour une démocratie inclusive– (Martine Boudet coordinatrice, Ed du Croquant, 2017) http://www.editions-croquant.org/component/mijoshop/product/384-urgence-antiraciste

 

 

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