Des problèmes, le texte législatif en pose de redoutables. Il prévoit de sanctionner toute atteinte au secret des affaires. Reprenant les dispositions prévues dans la proposition de loi présentée en 2012 par Bernard Carayon – un texte que la gauche avait alors refusé de voter –, il stipule que toute violation du secret des affaires est passible d’une peine de trois ans de prison et d’une amende de 375 000 euros. La peine est doublée et portée à 7 ans de prison et de 750 000 euros d’amende, « lorsque l’infraction est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France ». Pour mémoire, l’abus de biens sociaux est passible d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros. C’est dire si la violation du secret des affaires, aux yeux des parlementaires, est grave, bien plus grave que bien d’autres délits et crimes économiques.
Mais que signifie le secret des affaires ? Que veut protéger la loi ? Selon le texte présenté : « Est protégée au titre du secret des affaires, indépendamment de son incorporation à un support, toute information : 1) Qui ne présente pas un caractère public en ce qu’elle n’est pas, en elle-même ou dans l’assemblage de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d’activité traitant habituellement de ce genre d’information ; 2) Qui, notamment en ce qu’elle est dénuée de caractère public, s’analyse comme un élément à part entière du potentiel scientifique et technique, des positions stratégiques, des intérêts commerciaux et financiers ou de la capacité concurrentielle de son détenteur et revêt en conséquence une valeur économique ; 3°) Qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables, compte tenu de sa valeur économique et des circonstances, pour en conserver le caractère non publié. »
« Il est à craindre que quelques scandales récents (Mediator, implants mammaires…) n'auraient pas éclaté avec une telle loi », s’était déjà inquiété le président de l’association des journalistes économiques et financiers au moment de la présentation de la proposition de la loi Carayon. Les mêmes craintes réapparaissent aujourd’hui. Le secret des affaires, tel que le texte le prévoit, va bien au-bien de l’espionnage industriel ou de l’usurpation de certains procédés techniques, de brevets, de la protection de données. Au vu de définitions si larges, si floues, on se demande quelle information n’est pas concernée. Plus que des concurrents dévoyés, ce sont plutôt la presse et les lanceurs d’alerte qui pourraient être le plus visés par ce texte.
via www.mediapart.fr