Panos Koutras La situation est très grave. Mais elle était déjà pourrie avant 2008. La société était déjà enfoncée dans la corruption, le faux luxe, les faux concepts, le superficiel et les idées reçues. L’émergence d’Aube dorée est cependant inquiétante. Les violences fascistes augmentent. Les tabassages d’homosexuels sont monnaie courante. La montée du racisme gangrène la société. Il y a des racines profondes à ce phénomène. Après la Seconde Guerre mondiale, pendant la guerre civile, la droite avait engagé tous les collabos nazis pour lutter contre les communistes. Aucun collabo nazi n’a été puni en Grèce. Ce qui a conduit à la dictature des colonels en 1967. Cela a pénétré les tissus sociaux. Au fond, les fascistes ont toujours existé dans ce pays. La mauvaise situation économique et les politiques d’austérité menées par l’Europe ont renforcé les fascistes.
La crise a-t-elle eu des conséquences sur votre travail de cinéaste, tant dans le choix de vos sujets que sur le plan financier ?
Panos Koutras Je fais un film tous les cinq ans et, immanquablement, l’aspect social traverse mes films. Je crois que, comme tout artiste, on ne peut échapper à son environnement. Mon dernier film, Xenia (sorti en juin 2014 – NDLR), raconte l’histoire de deux jeunes frères adolescents de mère albanaise mais dont le père, un Grec, ne les a jamais reconnus. C’est un peu un résumé de la Grèce d’aujourd’hui, mais avec tous les paradoxes d’une société en crise qui peut avoir ces moments de beauté et de joie. Financièrement, mes films ont toujours été difficilement réalisables. Quand j’étais plus jeune, il y avait un clan de cinéastes très fermé qu’il était difficile de rejoindre. À l’époque, le Centre national cinématographique (CNC) donnait de l’argent aux noms connus, à des réalisateurs qui faisaient d’ailleurs de très bons films. Aujourd’hui, c’est le contraire, avec un phénomène très surprenant depuis les années 2007 et l’émergence d’une nouvelle vague de cinéastes. Cette nouvelle génération, d’ailleurs très intéressante, ne se fait pas l’apôtre d’un cinéma exclusivement politique, laissant la place à un imaginaire foisonnant.
La possible arrivée au pouvoir de Syriza aura-t-elle des conséquences sur le budget de la culture ?
Panos Koutras Depuis plus de trente ans, chaque parti qui arrive au pouvoir rase ce que le précédent a fait. Il n’y a pas de prévisions sur la culture. Mais ça ne peut pas être pire qu’aujourd’hui. De moins en moins d’argent provient du CNC. Les télévisions privées, qui pourraient donner à voir du cinéma grec, ne le font pas. Une loi exige des chaînes de télévision qu’elles octroient 1,5 point de leurs recettes au cinéma mais elles ne le font pas. Il faudra beaucoup de volonté à Syriza pour faire une vraie politique culturelle, et en particulier pour le cinéma, car en Grèce tout est bouffé par l’Antiquité… En fait, j’ai une idée à proposer à Syriza : faire un ministère de la Culture antique et nommer un ministre de la Culture moderne pour les créateurs d’aujourd’hui.
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