Exilés en France, ils se sont échappés de la guerre et du terrorisme mais affrontent l’arbitraire et l’indifférence – Basta !

Ils viennent de Syrie, du Soudan, ou de Somalie. Menacés chez eux par la guerre, les dictatures ou les groupes fondamentalistes, ils cherchent asile en France. Et y affrontent l’arbitraire, la stigmatisation et de nouvelles persécutions. Ismaïl le Syrien, bloqué à Calais, cherche à passer en Grande-Bretagne. Abakar le Soudanais, qui a traversé la mer sur une frêle embarcation, a été sauvé de l’extrême précarité par une association, et apprend désormais le Français. Abdourahman le Somalien, qui a fui l’embrigadement terroriste islamiste, étudie pour espérer une vie meilleure au « pays des droits de l’homme ». Portraits de trois réfugiés sur les routes de l’exil.

Ils viennent de Somalie, du Soudan, de Syrie. Ils ont connu la guerre, l’oppression, l’injustice. Pour ne pas céder devant l’inacceptable, ils ont préféré déserter. Je les ai rencontrés à Calais ou Paris, dans une Europe où ils ont dû affronter une fois encore le danger et l’arbitraire, mais aussi l’indifférence.

En parlant avec eux, avec d’autres, je n’ai jamais ressenti de pitié, mais seulement du respect et de l’admiration. Ils ont défié les malheurs du temps, ils n’ont jamais baissé la tête, ne se sont pas résignés. Enfants et petit-enfants des réfugiés d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne, du Chili et d’ailleurs, la mémoire de vos parents vit dans ces trois portraits.

Ismaïl, syrien, 33 ans

Il s’appelle Ismaïl, vraiment, comme le héros de Moby Dick. Il est l’un des derniers venus du petit groupe de Syriens – entre 30 et 35 – qu’on trouve à Calais, sous le porche de l’église près du phare, sous un appentis de la rue Margolle, ou encore, plus loin du centre, au bout de l’impasse des Galines. Seul ce dernier lieu, une ancienne usine dont l’entrée est couverte de citations écrites par les militants No Border, dispose d’un point d’eau accessible. Le matin dans la cour, été comme hiver, des hommes s’y lavent torse nu en riant.

Avant lui, j’ai rencontré Ahmed le vétérinaire, qui a renoncé à passer la frontière mais revient à Calais pour soutenir ses amis. Ou Ali le professeur d’anglais, qui a transité par la Libye – parce qu’une fois là-bas, il n’y a plus qu’une étape, tu passes ou tu meurs, et si tu meurs tu ne souffres plus. Mohammad le pharmacien tranquille, 40 ans et le regard fatigué. Ahmed l’agronome, d’autres encore dont je ne sais pas les prénoms. Tous m’ont offert du thé, du café, des dattes et une couverture, quittant leur chaise pour me laisser une place près du feu. J’ai encore sur ma table une pomme qu’ils m’ont donnée le 7 janvier, à l’heure exacte où à Paris deux sociopathes paumés commençaient leur œuvre de mort.

« Le terrorisme n’a pas de religion »

Ismaïl est arrivé ce jour-là. Lorsque je le rencontre la semaine suivante, il me fait part de ce hasard absurde en riant. Puis il ajoute dans un anglais parfait, soudain sérieux : « Le terrorisme n’a pas de nationalité, n’a pas de religion, n’a pas d’humanité. » Je souris, nous voilà amis sur une phrase, je lui demande de me raconter son histoire.

Il est né à Deraa en 1982, une ville où il a grandi avant d’étudier l’anglais à l’université de Damas, en 2000. Il perd sa mère l’année suivante. À cette époque, il fait l’entretien dans un hôtel pour payer ses études et commence à militer pour la minorité kurde. Cette dernière activité n’est guère appréciée par le régime de Bachar el-Assad, et lorsque, après son diplôme, il ne se présente pas au service militaire, la voie des études doctorales lui est évidemment fermée. Qu’à cela ne tienne, il donne des cours privés, mène une vie semi-clandestine, paie la police si celle-ci se rapproche un peu trop. Un été, il parvient à passer quelques mois au Liban, son seul séjour à l’ét

via www.bastamag.net

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