Son «Histoire de
l'érotisme, de l'Olympe au Cybersexe» s'ouvre sur la
confrontation, involontaire, d'un texte, la préface d'André Malraux
à «L'amant de Lady Chatterley», dont les mots résonnent avec
force, «l'érotisme (…) il était le diable, il devient
l'homme; nous allons le voir dépasser l'homme, devenir sa raison
d'être (…) il s'agit de détruire notre mythe de la sexualité :
de faire de l'érotisme une valeur» et de l'autre, des images de
quelques statues, par essence, pétrifiées et qui, faisant signe
vers le désir, n'en sont que des traces lourdes et trop simplistes,
puisque le désir est au coeur de la vie. Pierre-Marc de Biasi fait
d'Eros un Sujet : «Eros antique, Eros
médiéval, … » Si «le
culte du plaisir a été trop souvent pris en otage par les
sectateurs de l'effroi et de la souillure » ils ne peuvent
«faire oublier (…) l'étendue (…) d'un autre érotisme,
affirmatif, joyeux et libérateur : celui qui a fondé le socle
mythique des premières civilisations, qui oeuvre à concilier le
désir et les spiritualités, qui participe à tous les combats pour
l'émancipation des corps et des esprits». C'est que, dans cette
Histoire, il y a le trou noir chrétien, inventeur de «perversions»
et des mots qui les créent, comme «la concupiscence», «les
incubes», et conduisent à la rédaction d'ouvrages obsédés par
«les vices», comme «Le marteau des sorcières». Dans l'enfer
chrétien, tout ce qui est humain devient diabolique, et, pour mener
une vie chrétienne, il suffit de ne pas être humain, en
additionnant les négations. Il faut accepter de traverser cette
«part maudite» de notre Histoire, pour retrouver, avant et après,
la pureté des corps et des âmes, de leur naissance à leurs
accomplissements
bienheureux. Par exemple, après les cauchemars de
la Terreur, le Directoire a permis l'exhibitionnisme «des
merveilleuses» : «les femmes sortent seins nus, sous un voile de
mousseline, en tuniques largement fendues à l'antique… ».
Son Histoire est une série de fusées, puisque les ouvrages de
collection sont standardisés, avec 140 pages environ. Mais ces
comètes allument dans le ciel mental des feux qui demandent à la
lectrice et au lecteur de prolonger l'enquête, par le corps et
l'âme… Les Editions Place des Victoires publient « Le
baiser», un
ouvrage de 450 pages. Sur chaque page de gauche, se trouve une
citation, comme les suivantes : «Je voudrais savoir combien de
baisers ont été donnés depuis le jour où ils ont été inventés»
de Igino Ugo Tarchetti, «Qu'est-ce que ton baiser ? Un lèchement
de flamme» de Victor Hugo, «Un baiser, mais à tout prendre,
qu'est-ce ? C'est un secret qui prend la bouche pour oreille»,
de Edmond Rostand, «Combien ce que tu me dis est doux, mais plus
doux encore est le baiser que j'ai volé à tes lèvres», de
Heinrich Heine, etc…, et sur chaque page de droite, se trouve la
reproduction d'un tableau, d'une fresque murale, comme les mosaïques
de Pompéï, etc…
Dans «La Preuve par le
Miel», Salwa Al Neimi nous démontre qu'au sein d'une société
entravée par la religion et ses traditions on peut avoir une
certaine liberté de parole sur un sujet tabou. Le plaisir charnel
n'est pas vraiment recommandé; signe évident de honte et de
déshonneur, bref, nous sommes loin des Mille et une nuit. Elle
insiste donc sur le fait que la femme peut être libertine et
audacieuse sans se soucier réellement des autres. Pourtant, il y a
quelques siècles en arrière, le prophète Mahomet soutenait une
certaine liberté sexuelle, certes, seulement les hommes y avaient
accès, mais cette liberté faisait partie de leur culture. A-t-elle
disparue? Ou plutôt, se fait-elle sous cape? Certainement…
L'héroïne dévore les livres érotiques anciens, nombreux, ce
qui prouve que le sexe était à la "mode" et surtout
bienfaisant. Elle fait partager ses lectures à l'homme avec lequel
elle fait ses expériences sexuelles, cela en devient un jeu
quotidien. Il n'y a pas d'histoire d'amour derrière cette relation,
elle ne souhaite pas s'encombrer de tels sentiments, cela ne pourrait
qu'enfreindre sa soif de découverte, de sexe. Elle fait de la chair
le principe de sa vie, est révulsée par le reste, n'attend que
jours après jours les entrevues avec son amant. Après avoir lu ce
livre, on peut se demander si les femmes dans notre société
judéo-chrétienne pourraient, peuvent afficher ces plaisirs sans
être cataloguées ou avoir une étiquette sur le dos.
Contrairement au
précédent livre, l'auteur de "L'amande", de Nedjma, se confronte plus à la tradition de son
pays qu'à sa religion, au niveau de sa religion. Elle ne réfute pas
du tout Allah puisqu'elle l'inclut directement dans ses actes, dont ses actes sexuels; ce qui peut être assez surprenant d'ailleurs…
C'est comme si grâce à Allah elle pouvait vivre
réellement, pour elle, c'est Allah qui l'a façonné comme ca,
volontaire de faire de son corps une force même. Elle est finalement
plus en colère contre la tradition, ayant voulu faire d'elle
une matrice, une procréatrice plutôt qu'une femme, une femme vivant
sa sexualité pleinement. L'histoire en elle même raconte sa
rencontre avec un homme puissant, faisant parti de la haute
bourgeoisie marocaine. Cet homme lui fait réellement prendre
conscience de son corps, lui apprend à écouter ses propres désirs
et via cet apprentissage l'emporte dans un tourbillon de jeux
érotiques allant de plus en plus loin… Elle aime cet homme, il
devient en quelque sorte son maître mais cela la mène à sa perte,
émotionnellement parlant.
Les deux dernières parties de cette note ont été écrites par Agathe Lafont. Merci à elle.