Entretien avec Sébastien Doubinsky : « Nous vivons aujourd’hui le cauchemar imaginé par les intellectuels et artistes des années soixante-70 »

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  1. Dans "Le Manifeste du Zaporogue", "l'action littéraire", le sujet de l'écriture, détermine l'ensemble de la réflexion, des invitations, des incitations. Par exemple, alors qu'il a pu exister des collectifs littéraires dans le passé, si on pense aux mouvements, surréaliste, dadaiste, à des organisations éphémères comme le Front des Intellectuels Antifascistes, il semble que, face à ce que vous pointez et mettez en cause, la marchandisation de tout, les auteur(e)s, atomisés eux aussi, acceptent cet état de fait. Vous en appelez explicitement à un retour des auteurs/artistes, par des actions littéraires-politiques communes (1). La visibilité s'est réduite aux éclairages médiatiques. En dehors, la nuit sociale règne. Les auteurs/artistes sont aussi invisibles que les autres travailleurs essentiels. Or, de ce que vous expliquez, seuls les auteurs et les artistes défendent les vies individuelles, face aux différents rouleurs compresseurs qui les écrasent, un terrorisme multi-formes. Vous en appelez d'ailleurs aux éditeurs, et aux libraires (2) Mais, exactement, que faire ? Notamment : des fêtes ? et…? 

 

SB (lien vers son blog):  C’est une excellente question, à laquelle il est, bien évidemment, très difficile de répondre. Je pense que cette atomisation des artistes, écrivain.e.s, musicien.ne.s et autres acteurs et actrices de la culture n’est pas un hasard, mais est devenu une fatalité. Il y a eu une volonté évidente de la part du système capitaliste, après la chute du mur de Berlin en 1989, de reprendre en main le marché de la culture. Tant que le Mur se dressait, on avait besoin d’une culture vivante, autonome, voire critique, afin de montrer au monde entier que l’Ouest était “libre” et “démocratique” face au bloc de l’Est. Une fois la menace soviétique effondrée, le système a ôté son masque et s’est révélé le totalitarisme “soft” qu’il a toujours été. C’est à ce moment que le mainstream remplace la “pop culture”, et que toutes les scènes un peu indépendantes sont peu à peu dissoutes au nom du profit. Or ce profit est toujours politique: ne sont promu.e.s que les artistes ou écrivain.e.s qui ne dérangent pas le système ou qui le confortent. Je pensais naïvement, quand j’ai écrit le Manifeste, qu’il allait y avoir une contre-réaction. Or elle n’a pas eu lieu, en France en tout cas, car tous les instruments de création qui disposent de réseaux de distribution et de visibilité sont des réseaux bourgeois ou petit-bourgeois – c’est à dire, en fin de compte, totalement conformistes. Tout ce qui vient d’en-dessous ou d’à-côté – de la marge au sens culturel ou social – ne dispose d’aucun moyen pour essaimer et d’établir ainsi un “mouvement” quelconque qui soit réellement révolutionnaire et créatif. Il y a des exceptions, heureusement, mais surtout cantonnées dans le monde de la musique: je vois la communauté des “Métalleux”, qui est très ouverte, par exemple. En littérature, en cinéma, en art, en danse, c’est foutu ou presque.  Que faire? me demandez-vous, comme Lénine. Je n’en sais rien. Tant que les communautés artistiques ou littéraires se complairont dans l’entre-soi confortable, il ne se passera rien. Par contre, rien n’empêche de tourner le dos au château et de bricoler des trucs entre potes qui pourraient donner quelque chose de plus large à un certain moment. Mais il faut à la fois beaucoup d’énergie et de patience – et les deux coûtent cher, de nos jours. Je ne suis pas totalement pessimiste, je crois qu’il va y avoir du mouvement à un certain moment, parce que la situation politique, économique et culturelle n’est pas tenable. Mais, comme le Punk ou les Gilets Jaunes, personne ne le verra venir. Même pas moi.

 

AL : Avec la littérature, l’auteur est un démiurge qui, comme le Dieu du discours religieux, est «seul» : tout puissant, puisqu’il fait être et ne pas être, mais aussi seul, dès lors qu’il ou elle en reste à oeuvre, créer et conter. Nécessairement, les actrices, les acteurs, vivent du collectif. Beaucoup de musiciens font vivre la musique, en groupe. Il y a une culture de la solitude, en littérature, un peu, beaucoup, jusqu’à la folie (Hölderlin, après qu’il eut vécu une fraternité tonique mais vite brisée avec Hegel et Schelling). Nietzsche est le symbole de cette solitude «solaire» mais elle le conduit aussi à la folie. Nerval, itou. C’est le faire qui unit. Il y a bien des fraternités littéraires, «associations» de défense des droits, mais cela reste, froid, juridique, sans lien avec ce que les auteurs portent. Mais quand on constate une aporie, on essaie de la surmonter. Cette solitude, «ontologique» des auteurs, le capitalisme triomphant actuel la confirme, l’aggrave, puisque la seule chose qui l’intéresse, c’est le livre-produit. Et comme les espaces publics sont devenus des espace de circulation (circulez, il n’y a rien à voir, ce qui est faux), les auteurs sont encore plus isolés. Mais quand on subit de telles contraintes, rien ne nous oblige à nous y soumettre. Mais encore faut-il qu’il y ait ce désir, ce désir qui, comme en parle très poétiquement Epicure, fait dévier les lignes droites de la probabilité/nécessité. En déviant, on croise une autre ligne. Comme ici. Ce qu’il faudrait, c’est proposer aux auteur(e)s de, faire, ensemble. Pensons-y. Par exemple, la rue reste un lieu principal de «l’action littéraire». Une des plus parfaites illustrations de ce fait, si je puis dire, c’est ce que fait Banksy, avec ces oeuvres-messages. Un seul de ces dessins ruine des discours de Trump et Zemmour. On peut appeler cela de «l’action littéraire directe». 

2 – Parce que, sinon, ce qui nous attend, c'est "Sinon, c’est effectivement la déroute espagnole qui nous attend. Le triomphe de Dieu et des valeurs morales, de la valeur unique, mesurée par l’argent. Le triomphe de la médiocrité." Apparemment, nous y sommes. Tout roule. Cette affaire qui marche, qui est en marche. Vous indiquez que la question de ce qui "vaut", est centrale. Là où des canaux drainent les énergies et les flux civiques vers des valeurs fixes, sous contrôle, comment faire en sorte que les citoyens aient d'autres "valeurs" ? ! et quelles autres valeurs ?! Par exemple, pourquoi accepte t-on de subir l'omniprésence publicitaire au lieu de l'omniprésence artistique ? 

SB : Le problème c’est que l’omniprésence artistique et publicitaire est la même chose aujourd’hui. Nous vivons aujourd’hui le cauchemar imaginé par les intellectuels et artistes des années soixante-70. On n’y croyait pas trop à l’époque, on rigolait, on haussait les épaules. “Ils ou elles exagèrent”, disait-on. Et vlan ! Nous y sommes, en plein. Je pense que la résistance est, en fait, en train d’apparaître de plus en plus – avec les notions d’écologie, de décroissance, de décolonialisme, etc. La culture “Woke” est une contre-culture dont la grande force est de bien définir les cibles auxquelles il faut s’attaquer – et c’est cela qui la rend si dangereuse aux yeux de l’establishment et des petits-bourgeois (que je prends ici comme une mentalité et non une “classe”). Il nous faut encore un peu de patience, mais je sens que de grandes choses vont se passer.

AL : En effet. Il y a l’Histoire en train de se faire, et il y a ceux dont on nous parle le plus, les stériles qui voudraient tout neutraliser. Les « conservateurs ». Les « agents conservateurs ». Pour une nourriture de qualité, on s’en débarrasse mais pour ce que nous partageons dans l’espace commun, nous continuons d’accepter les pollutions de ces produits industriels. C’est que la « philosophie à coups de marteau » qui est en train de fracasser les discours officiels, les Histoires officielles, menace les agents du système général. Les auteurs que nous sommes y apportent des contributions. Pouvons-nous faire plus et mieux ? Ce qui renvoie à la réponse à la précédente question : pensons-y. Mais particulièrement, le face-à-face avec la « publicité » est décisif : outre qu’elle constitue une source de financements de tant de choses (de très mauvais médias, etc.), elle occupe une partie de notre espace en commun par ses images frelatées, payées et payantes. Et elle le fait en prétendant avoir une autorité pour valoriser des produits, des services, des individus, alors qu’elle ne les connaît pas. La publicité dans notre monde, c’est la sophistique au sens platonicien : je dis du bien de ce dont je ne connais pas l’être et donc si la chose est bonne ou non. Et quand comme beaucoup d’auteurs, on a passé 50 ans, et qu’on n’a pas de Rolex (autant par nécessité que par choix), il est temps d’agir contre cette action littéraire-politique dont les hérauts et les bénéficiaires sont, comme le Seguela que tout le monde aura reconnu, sont des simulacres d’humanité, avec leur bronzage permanent, leur sourire permanent, leur arrogance permanente, et surtout, leur vide permanent. Après, ce qui importe, c’est : comment agir ?

3 – Au cœur du cœur de votre propos, il y a la diversité : des vies, des voix, une diversité irréductible, une vraie bio-diversité. Ce que le simulacre de pensée nie, veut même effacer. On peut dire que de cet "éloge de la diversité", le commerce-roi l'a récupéré, pour en faire même un objet de détestation.

SB : Oui, c’est dans le programme néolibéral : la seule originalité tolérée est celle permise par le fric. Tout le reste est “dangereux”. La diversité est le poumon d’une société, sa richesse culturelle – c’est-à-dire sa richesse tout court. Notre système vit sur un modèle culturel obsolète et toxique (sexiste, raciste, discriminatoire), construit dès le début dans le système éducatif. Je pense que l’avenir culturel (et peut-être même politique) est entre les mains des mauvais.e.s élèves.

AL : Les couleurs de surface fascinent, mais elles ne dissimulent pas le monde monocolore qui se trouve derrière. Ce qui a conduit certains à détester cette manipulation et cette tricherie, et à se réfugier dans la réaction. Les superficialités et les mensonges quant à un amour et une défense de la biodiversité humaine coûtent cher, puisque cette réaction en vient à défendre « la race ». Se faisant, ils défendent cette unité sociologique qui, dans son sein, porte une certaine diversité (nationalité, couleur de peau), mais en tant qu’elle vit dans la seule référence à elle-même et dans la négation de ce qui et la constitue et lui est extérieur. Elle intègre, elle assimile, des « transfuges », et elle se sert de leur couleur pour « représenter la diversité ». Mais dans les faits, ce qu’elle exige de nous, c’est d’être con et tais-toi. Nous, nous savons que cette biodiversité, les peuples, nous offre des interprétations de l’Humanité qui ne se définissent pas par la négation des autres, et cela, des auteurs, des artistes, de ces peuples, nous le disent. C’est pourquoi une nouvelle Internationale littéraire se fait attendre, alors que nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre…

4- Dieu, disons, le "nom de Dieu", est la menace sur tout et tous. Et face à elle, nous avons avec nous un Ange tutélaire : la Littérature. C'est-à-dire ? Le manifeste commence par un prologue sur "les guerres de religion". Ce qui est évoqué, ce sont les manichéens, ceux qui prétendent et connaître Dieu, et le servir. Ils crient beaucoup, ils tuent beaucoup aussi, mais ils sont groupusculaires. Une "cellule", c'est, bien souvent, un seul. Hélas, un seul individu peut créer la tragédie. Mais est-ce que la Littérature peut affronter cette folie et l'empêcher ?

 

SB : La littérature ne peut rien du tout par elle-même. Un livre ne pèse rien contre une arme à feu. Cependant, “La Case de l’Oncle Tom”, “La Nausée” et “La Peste”, par exemple, sont des ouvrages de fiction qui ont eu un impact énorme, sans parler de Zola, Huxley, Orwell, et bien d’autres. La littérature est une arme de destruction passive. Dans le taoïsme, l’eau est l’élément le plus fort, car elle peut détruire une montagne au bout de quelques siècles. Elle ne fait rien, mais peu à peu elle ronge le rocher. La culture, la littérature, c’est pareil avec les totalitarismes. Le problème avec le dieu unique, monothéiste, c’est qu’il cherche à écraser tous les autres, et qu’un être humain peut se sentir élu – et devenir un terroriste, un inquisiteur, un chasseur de sorcières, etc. La seule puissance de la littérature (mais c’est une puissance terrible), c’est de réduire ce dieu à un personnage de fiction. C’est pour ça que les religions ont toujours eu de la méfiance, pour ne pas dire plus, vis-à-vis de la littérature. Elle est -symboliquement, mais pas uniquement- 10000 fois plus puissante que la religion.

AL : C’est dire à quel point la littérature est une action politique, globale. Elle l’est de fait, mais ce que dit sa parole doit affronter une autre parole humaine, déterminée par la négation. Par exemple, la valorisation de « Dieu » se fait parce que Dieu n’est pas humain : il ne se trompe pas, il n’ignore pas, il connaît nécessairement le bien. Cet « amour pour Dieu » se traduit presque logiquement par une haine des humains. La littérature mondiale n’ignore pas cette négation et ses formes. C’est ce dont parle l’œuvre de Kafka. Il y a beaucoup de voies à explorer dans cette confrontation à cette négation, à l’œuvre. Avec « Dieu sans religions… », j’ai proposé un renversement, humoristique et pourtant sérieux : ce Dieu auquel des cultes prétendent se vouer, être voués, il n’a pas, lui, de « religion », puisque sa seule préoccupation réside dans les existences même. On peut penser que cela est sans objet, effet. Pourtant, cela concerne aussi celles et ceux qui, encore, prétendent pouvoir faire œuvre de « théologie », ce qui repose sur une audace que l’ouvrage interroge aussi, à savoir, comment pourrions-nous « connaître » Dieu ? Pourquoi refusons-nous d’accepter qu’il y ait une limite irréductible à nos connaissances ? Qu’y a t il de nous que nous voulons nier avec cette négation d’une telle limite ?

5 – Le manifeste se termine par l'expression d'un voeu, avec un des plus beaux verbes parmi ceux qui existent : construire. En effet, face à celles et ceux qui ont le goût de détruire ce que l'Univers a pu mettre des siècles ou des millénaires à construire, comment relier à nouveau action et construction, la négation même du terrorisme ?

 

SB : Le terrorisme, qu’il soit religieux, politique, individuel ou collectif, est un acte de destruction – même quand il s’agit d’un acte de résistance. Je renvoie les lecteurs ici aux réflexions de Camus ou de René Char à ce sujet. Mais il y a une grande différence entre le terrorisme pour libérer (acte de résistance) et celui fait pour “imposer”. Les actes de violences nazies ou religieuses ne sont pas du terrorisme de libération, mais pour forcer la soumission. C’est contre ce terrorisme-là que je me bats. Écrire, comme lire, peindre, filmer, danser, c’est un acte de construction, c’est-à-dire un acte individuel ou collectif de partage. Construire, c’est croire à une éternité relative, à un travail en commun, avec pour but le bien-être de tou.te.s. Ça n’a rien à voir avec un projet immobilier, qui participe à la destruction du tissu urbain ou de la nature. Construire, c’est travailler en harmonie, pour l’harmonie. C’est la plus belle incarnation du respect de soi et des autres. Quand on écrit ou que l’on crée, on s’adresse à l’autre, qui peut être ou ne pas être un autre soi-même. C’est là que réside l’acte libre, l’acte du don. Mais l’œuvre ou le spectacle donné.e se libère du créateur pour devenir autre, un objet quantique qui ne prend forme que lorsqu’il est lu, vu, entendu, et qui est simultanément présent en des centaines d’endroits différents. Si les mots de Dieu sont a priori “immuables”, ceux de la fiction, au contraire, changent tout le temps. Ils s’échappent, ne font que s’échapper et pour être libres, nous les suivons en sachant bien que nous ne les rattraperons jamais. On ne possède pas un “classique” -on l’emprunte à vie. Et on peut le mettre à la poubelle si l’envie nous prend. La fiction, c’est la marque de la vie et jamais de la mort. Les mots de Dieu sont des mots qui peuvent facilement devenir des mots de mort. C’est aussi simple, aussi terrible que cela.

AL : Un artiste crée de l’irréversible, dès lors qu’il a terminé une œuvre, quand il estime l’avoir terminé. Mais il ne fait de mal à personne. Le terrorisme, auquel j’ajouterai sa dimension économique, se permet de changer la vie de tant de personnes, soit parce qu’il les tue, soit parce qu’il les blesse, soit parce qu’il les prive d’un être aimé. Celui qui a assassiné Samuel Paty, pour prendre cet exemple, n’a pas réalisé un acte qui a fait avancer sa cause (c’est un acte nul, à tous les sens du terme), mais en outre, son invocation, justification, qu’il devait le faire pour Dieu ne tient pas. Quelle divinité pourrait avoir créé une créature comme l’humain pour que, en son sein, certains se permettent de décapiter d’autres ? Tout le monde a compris que nous avons affaire à cette folie, celle qui se révèle simplement et parfaitement dans ce jeune chinois frappé par « le poison qui rend fou », dans le Lotus Bleu d’Hergé. Devenu fou, sa seule pensée est de « libérer » ceux dont il fait ses prisonniers en voulant leur couper la tête. Pourquoi ? Pour qu’ils trouvent la voie. La seule voie que la mort donne, c’est la voie de la sortie : de la vie. Il faut affronter chez les humains cette haine de l’humain. Dans le passé, bien des misanthropes se suicidaient. À notre époque, ils veulent partir en amenant le plus grand nombre avec eux ou une personne choisie. Il faut non seulement se protéger de cette misanthropie, mais aussi la soigner. Face à celles et ceux qui nous imposent une humanité détestable, il faut défendre une humanité aimable – et aimante. La littérature a ce trésor humain entre les mains : les sentiments. Et sans mièvrerie. Construire des mondes de la vie. La véritable "écologie" exige cette utopie, écrite. 

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Des extraits du Manifeste : https://www.lautrelivre.fr/download/3230.pdf

L'entretien complet Téléchargement ACTION LITTERAIRE SEPTEMBRE 2021 ENTRETIEN AVEC SD

Les Editions du Zaporogue https://www.lulu.com/spotlight/lezaporogue

La note sur "Mira Ceti" : et un entretien à propos de cette oeuvre : https://www.editions-abstractions.com/actualites/sbastien-doubinsky-interview

Un entretien de SD : http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/interviews/content/1811121-sebastien-doubinsky-je-suis-toujours-en-exil

Sur la référence "Dieu sans religions…" 

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