D’Adolf Eichmann à Angela Merkel, le langage de la distance pour imposer aux autres inconnus le pire (à propos du film sur Hannah Arendt) – de la Décrision

Dans un entretien avec Libération, Madame Barbara Cassin répond, à propos d'Hannah Arendt et d'Adolf Eichmann, puisque la professionnelle des études et de l'enseignement académique philosophiques a suivi le procès de ce "fonctionnaire de la solution finale", dont elle a parlé dans des textes publiés par The New Yorker : "

La banalité du mal est aujourd’hui un poncif. Pourquoi l’expression a-t-elle perdu sa force ?

BC : Aujourd’hui, on comprend l’expression comme une manière de dire : «Le
mal est la chose la mieux partagée.» Ou encore, variante légèrement
plus juste mais insuffisante : «Nul n’a besoin d’être diabolique pour
commettre le pire.» Si bien que l’expression paraît à tort convenir à
tout criminel et l’absoudre. Or, Hannah Arendt n’arrive pas toute armée à
Jérusalem avec son concept. Margarethe von Trotta montre avec raison
qu’il surgit de la vie. Il naît d’un étonnement : «Cet homme ne s’exprime que par clichés.»
La banalité du mal, c’est en premier lieu cela : l’impossibilité de
s’exprimer dans une langue vivante
. La retranscription de la conférence
de Wannsee du 20 janvier 1942, à laquelle participe Eichmann, est très
impressionnante. Alors que la décision de «la Solution finale à la question juive» y est prise, il n’y a rien. On est face à une succession de banalités, problem solving
entre gens bien élevés. En deux heures, toutes les difficultés
techniques et administratives que posent les camps d’extermination sont
pliées. Et c’est cela que dit Hannah Arendt et qui a été si mal compris :
le mal est d’abord dans l’art de signifier le pire, de manière à ce
qu’il ne dérange même pas les locuteurs
. Ainsi en est-il du terme
«Solution finale», euphémisme pour qualifier l’éradication des juifs.
"

De la décision, énoncée dans un langage technocratique, technique, aseptisé, à sa mise en oeuvre, à la gestion sourcilleuse de la circulation des trains par Eichmann, qui, lui, connaît la "destination" de ces trains, les lieux-de-morts pour des êtres humains entassés comme des animaux dans des wagons dits "à bestiaux", à la décision de "l'austérité", gestion nationale et transnationale des fonds publics, gestion allemande et par extension des autres pays de l'Europe, après sa validation par les autres dirigeants européens, la commission européenne, il y a : le même langage qui face à un "problème", deshumanisé par ce langage même, se voit opposer une "solution", et il y a pour les responsables de cette "politique", la même distance qui leur interdit de voir en chair et en os les victimes de leur(s) Décision(s). La "crise" est bien la cause-effet de leur Décision, décision-crise, que nous devrions appeler "décrision". Eichmann savait qu'il participait à une organisation criminelle. Mme Merkel fait semblant de ne pas le savoir. Elle a "bonne conscience". Les résultats "allemands", dit-elle, lui donnent raison. L'état du budget fédéral, excédentaire, est là. Mais c'est un résultat facile, et un résultat d'autant plus facile et trompeur qu'il est fait au détriment des millions de citoyens allemands qui subissent cette politique, qui vivent avec une somme mensuelle comprise entre 300 et 800 euros, et dont le nombre n'a cessé de grandir. Le précariat allemand a cru de manière exponentielle. Et comme Mme Merkel mène une politique nationaliste, dans la mesure où seuls les intérêts de l'Allemagne l'intéressent, elle prétend ne rien savoir des victimes dans toute l'Europe de SA politique, acceptée et validée par des dirigeants européens aveugles et sourds. Il paraît que le Parti Socialiste français se réveille de son sommeil dogmatique sur cette instrumentalisation par Mme Merkel et de ses amis de "l'amitié franco-allemande". Il faut s'en réjouir.

 

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