Auteurs-citoyens : des millions pour les squelettes, des miettes ou rien pour les vivants – et des droits à la hauteur ? (première partie)

La production textuelle, comme la production iconographique, a connu une croissance exponentielle. La formation scolaire mondialisée, la constitution des réseaux de flux pour la circulation de documents, la création de réseaux, « sociaux », par l’offre « gratuite » de squelettes textuels, destinés à prendre vie par des auteurs singuliers, ont permis le rapprochement entre les citoyens et les textes, à intégrer cette production textuelle au sein de toute conscience, désormais, engagée dans une universelle « action littéraire ». Le « mur », espace vide, de Facebook, est devenu la matrice des copies de, par la diversification des caractéristiques : Twitter a invité les usagers à faire court, Youtube à produire des narratifs audiovisuels. Les citoyens ont ainsi été invités à parler et écrire, comme jamais. Si Gutenberg a produit une imprimerie mécanique destinée à la reproduction textuelle, l’écriture informatique a apporté une copie numérique de cette impression industrielle à la portée de la main et de la voix de chacun. Qu’il y ait un auditeur ou non, le vide a été offert pour susciter des, confessions, témoignages, paroles « libres », en publiant des informations dont les polices du monde ont fait, font, leur miel. Récits, écrits, personnels, la mondialisation a promu une Internationale des citoyens-auteurs, dans une situation juridique et financière spécifique : grâce aux données personnelles, vendues de tant de façons, les entreprises d’exploitation de ces squelettes ont généré des revenus « de dingue », alors que, de leur côté, le travail « civique » de ces citoyens-auteurs a été remercié par ces entreprises, sans rémunération aucune. Un pseudo « gratuit », capitaliste, est devenu très « payant », par ses bénéfices, captés par des actionnaires invisibles, pendant que les auteurs de ces actions littéraires étaient, sont, privés d’une reconnaissance, tant juridique que financière. Mais quand des hommes et des femmes travaillent sans être payés, alors que les productions matérielles de leur travail, ruisselantes vers des capteurs-rentiers, ne faut-il pas parler d’un esclavage 2.0 ? !

Évidemment, de leur côté, les tenants de ces exosquelettes numériques ont élaboré des conditions générales d’utilisation, par lesquelles ils ont explicitement nié toute reconnaissance du donné des données, d’autant que, depuis 20 ans maintenant, les requêtes en « droit d’auteur » ont été ou inexistantes ou rarissimes. Les usagers de, ont considéré que ces outils gratuits étaient idéalement gratuits et les servaient plutôt qu’ils ne les servaient. Or, comme pour le travail, cette « croyance » est superficielle, contradictoire. En effet, ce que les usagers en font, ce qu’ils disent, pourrait être dit ailleurs, autrement, et donc, les usagers n’ont pas radicalement besoin de ces outils, alors que de leur côté, les gestionnaires de ces outils ne sont rien sans les données… données. Une grève, suivie, de la parole, via ces outils, en assurerait la démonstration. Un retrait massif de « l’investissement » individuel et civique ramènerait ces produits spéculatifs à leur réalité initiale et fondamentale : peu de choses. En outre, la publication de données personnelles via ces outils s’est révélée, suivie, analysée, enregistrée par des institutions mondiales intéressées, au mépris, radical, de la « vie privée ». On dira que les usagers sont responsables de. Mais si chaque espace-compte personnel est un habitat, habité, privé, les contacts sont des invités à demeure, et tout tiers non invité est supposé ne pas pouvoir violer cette vie privée. Co-auteurs, partageant des espaces comme des appartements, où les uns passent chez les autres, des inconnus se sont autorisés et ont été autorisés, tels les États, à y être comme chez eux, alors que les responsables de ces États et de ces décisions seraient effrayés que leur vie privée soit connue de milliers ou de millions de citoyens, soit révélée au grand jour, comme si elle n’était qu’une fiction, narrative. Dès lors, si nous prenons acte de l’étendue de ce à quoi nous nous sommes soumis sans prendre le temps de la réflexion, de l’étendue de notre spoliation et de la violation de nos droits fondamentaux, le salaire pour un travail, la protection réelle de notre vie privée, comment sortir de cette nasse ? Faut-il solliciter collectivement la réflexion et l’élaboration de nouvelles législations, par État ? Pouvons-nous et devons-nous préférer engager un dialogue avec les entreprises concernées ? Faut-il mener les démarches conjointement ? Comment créer la conscience de ce travail de production textuelle, de manière qu’il soit, connu, assumé, revendiqué par ses… « auteurs » ?

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[…] non rémunérées), la production intellectuelle gratuite, exploitée diversement par d’autres. Dans l’attente de la création d’un statut de travailleur intellectuel indépendant et rémunér…, la seule compensation peut provenir du mécénat populaire, à travers des soutiens, comme celui […]

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