Racisme social : Les beaux quartiers vus des «quartiers»: sociologie de première classe – Page 2 | Mediapart

Mais comparaison n’est pas raison, et la force du livre est de mettre à nu cette maïeutique sociale et pédagogique où des étudiants, qui ne connaissaient rien aux rallyes ou aux scouts, « découvrent ainsi progressivement un groupe social éloigné du leur, qui n’apparaît pas homogène uniquement parce qu’on le regarde de loin : en son sein, des institutions et des pratiques travaillent à l’homogénéiser ».

Qu’apprend-on alors de la haute bourgeoisie et du VIIIe arrondissement ? L’ethnographie reste souvent en surface, contrainte par le temps et le cadre scolaire, et les questions posées sont plus nombreuses que les réponses. Non seulement parce que les enquêteurs sont des novices, mais surtout parce qu’on comprend vite que si le monde des riches et des puissants est moins enquêté que celui des pauvres, c’est d’abord parce qu’il est difficile d’accès. Les portes restent souvent fermées, y compris celles des institutions publiques, tel le commissariat, « alors qu’en démocratie rendre des comptes, ce n’est pas seulement créer un service de presse diffusant des communiqués et quelques données statistiques produites en interne », commente le professeur.

En outre, plusieurs interlocuteurs de ces apprentis sociologues les désarçonnent ou les paralysent parce qu’ils sont habitués à manier la parole et sont méfiants vis-à-vis d’étudiants d’une discipline dont ils connaissent les méthodes et les penchants. Le directeur du cabinet du maire, avec lequel Nicolas Jounin avait sollicité un entretien, lui demande ainsi s’il a l’ambition « de faire comme les Pinçon-Charlot ».

Le couple de sociologues de la haute bourgeoisie, dont les livres se vendent comme des petits pains depuis la présidence Sarkozy, constitue en effet la figure tutélaire de cette enquête, où tout est prétexte à observation, en premier lieu la difficulté d’accès aux toilettes publiques. « Le VIIIe en est singulièrement dépourvu : il n’en compte que douze, c’est-à-dire trois au kilomètre carré, ou encore six pour 100 000 habitants et travailleurs. En comparaison, le XVIIIe arrondissement en compte douze au kilomètre carré, vingt-quatre pour 100 000 habitants et travailleurs. (…) Ce n’est probablement pas sans lien avec la volonté de tenir à l’écart les plus indésirables des usagers de ces équipements : les sans-domicile fixe. » Vu le prix des cafés, il vaut donc mieux « parier sur la capacité des étudiants à se retenir », commente Nicolas Jounin.

En fin de compte, parmi les différents éléments plus ou moins saisissants qui émaillent ce texte, on peut en relever trois particulièrement saillants. Le premier est la profonde réticence à l’installation de logements sociaux, justifiée par le souci que celle-ci poserait aux populations elles-mêmes… Le maire du VIIIe évoque les errements absurdes et provocateurs de la municipalité socialiste qui impose des logements sociaux en ces termes : « Est-ce bien rendre service à leurs occupants, questionne-t-il, alors que l’épicerie la plus proche s’appelle Hédiard, où le paquet de biscuit coûte une quinzaine d’euros ? » Une manière de penser répercutée par une habitante, qui affirme que ce serait une mauvaise idée « parce qu’on ne trouve pas de grande surface facilement dans le VIIIe,

via www.mediapart.fr

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