
Les auto-proclamées « démocraties représentatives occidentales » ont été présentées au XXème siècle comme un horizon indépassable pour l’histoire de l’humanité. Pourtant le mouvement des places, celui des gilets jaunes jusqu’à la contestation de la dernière réforme des retraites, se sont faites contre ces démocraties au nom de la démocratie : comment comprendre ce paradoxe ? Comment comprendre ce désir de démocratie alors que nous sommes censés être en démocratie ? Il y a donc bien une confusion des termes que ce cycle de conférences se propose d’examiner. Cette confusion pose un problème d’ordre politique : comment la démocratie pourrait-elle être une alternative à nos institutions si elle désigne déjà nos institutions ? Comment le gouvernement représentatif a-t-il pu revêtir le nom de ce qui incarne sa contestation, et ainsi sembler incontestable ? Au point de penser qu’il ne nous reste plus que le choix entre une oligarchie plus ou moins autoritaire… C’est pour sortir de cette impasse et réhabiliter la démocratie comme une alternative à nos institutions que ce cycle de conférences-débat, à la maison de l’écologie, vous est proposé. Entrée libre et gratuite.

Première conférence – Jeudi 9 novembre 2023 à 19h
Athènes, une expérience démocratique exemplaire – par Laure JABRANE (professeur de philosophie au Lycée Ampère) à Lyon (69)
L’Athènes du Vème siècle avant J.C. fait figure de moment fondateur pour une organisation démocratique, ce qui lui vaut d’être présentée par la plupart des historiens comme un moment précurseur qui aurait trouvé son achèvement avec les révolutions françaises et américaines. S’inscrire dans cette interprétation n’est-ce pas s’interdire de comprendre en quoi la démocratie athénienne est subversive vis à vis des formes de gouvernement de type oligarchique ou aristocratique et non seulement monarchique ? L’exemple grec ne pourrait-il pas justement apporter la preuve qu’un peuple est non seulement capable de prendre le pouvoir pour renverser des rois et des tyrans mais surtout qu’il est aussi capable de se gouverner lui-même ? N’est-ce pas justement parce qu’elle montre qu’un peuple est capable de se gouverner lui-même que la démocratie grecque fut l’objet d’une haine que l’on retrouve dans les mêmes termes et avec la même intensité lors d’autres épisodes historiques similaires : 1848, 1870, 1936 jusqu’aux gilets jaunes de 2018 ?

Deuxième conférence -Jeudi 18 janvier 2024 à 19h
La démocratie représentative est-elle une forme de démocratie ? – Par Paul JACQMARCQ ( professeur de philosophie au Lycée Saint-Érembert à Saint-Germain-en-Laye (78)), auteur de Tirer au sort les délégués ? Une question de démocratie à l’école (cf. la note sur ce blog paru cet été).
Est-elle une adaptation de la démocratie directe à de grands États ? Puisque dans une démocratie, c’est le peuple qui gouverne, cela ne semble réalisable que dans de petits États, voire des Cités, comme dans l’Antiquité. L’augmentation de la population semble imposer le concept de représentation : puisque tout le monde ne peut pas avoir le pouvoir, il faut choisir des représentants. Dans l’imaginaire collectif, on pense souvent que la Révolution française nous a fait passer de la monarchie à la démocratie. Mais il n’en est rien. Nos Républiques, comme tout pouvoir institué, sont des institutions qui visent à confisquer le pouvoir au peuple. Ainsi l’élection n’est pas un moyen pour lui de se faire entendre mais à une élite de légitimer sa mainmise. Comment, dans ces conditions, réhabiliter l’idée de démocratie lorsqu’on l’associe à des institutions telles que la notre ? Et plus précisément, comment désigner des représentants qui ne puissent pas se substituer au peuple ?
troisième conférence – Jeudi 02 mai 2024 à 19h
La démocratie face à l’État ? – Par Guillaume HARANG, professeur de philosophie (au Lycée Bignon à Mortagne-au-Perche (61))
L’État en tant que régime politique peut se voir associer bon nombre de qualificatifs qui laisse penser que son rapport à la démocratie ne va pas de soi. Historiquement, on a pu parler d’État monarchique, d’État totalitaire, d’État nation, d’État libéral, etc. mais peu d’État démocratique comme si une irréductible résistance ne permettait pas d’associer ces deux derniers termes. De surcroît, confondre l’État et la démocratie, ou faire de l’État l’expression d’une démocratie achevée serait réduire la démocratie à la définition étroite d’un type de régime. Contre le formalisme de l’État, son accaparement par la classe dominante, la démocratie, comprise comme état de la société, ne s’érige-t-elle pas contre l’État ? Et si l’État demeure contesté par la démocratie, comment comprendre qu’un peuple en appelle à l’État face à l’accaparement toujours plus poussé de la politique aux seuls intérêts privés et marchands ? Dès lors la démocratie peut-elle se dispenser de l’État et des institutions démocratiques sont-elles possibles ?