« Dune » : l’espérance de mettre fin à l’Ordre funeste

L'Univers de Dune est un Univers esthétique : les planètes, les Navigateurs de la Guilde, les sorcières de l'Ordre, les Fremen. Et ceux-ci sont, pour l'époque, un peuple original : qui, pour survivre, a associé, à des mesures techniques nécessaires et efficaces (le recyclage de l'eau corporel propre à chaque individu), à un messianisme d'inspiration musulmane, avec le Djihad, la guerre sacrée. Et loin d'être si originaux qu'ils en seraient incompréhensibles ou peu intéressants pour nous, ces Fremen sont pertinents dans leur rapport méthodique et infiniment respectueux avec l'Eau. Et si nous apprenions ce sens de l'infinie valeur pour la vie, de l'eau, alors que notre planète est la seule à en disposer dans des quantités phénomènales – mais nous lui portons tellement de torts… Lynch, cinéaste-artiste (on devrait créer le syllogisme cinéartiste), qui, aujourd'hui, peint des tableaux comme s'il était un Cooper encore enfermé dans la Black Lodge, a vu cet Univers, et, avec les moyens dont il disposait, il nous a offert des tableaux-scènes, pour certaines, inoubliables, magnétiques. Les navigateurs de la Guilde, des mutants épicés (devenus des cerveaux géants), ont encore un sens : à une grande échelle, le corps humain est susceptible de connaître des évolutions assez radicales en fonction de ses conditions, de ses pratiques. Ils ont un rapport direct avec l'Espace : leur conscience est capable de modifier l'espace-temps pour accélérer des voyages. Et pour nous, ce rapport à l'espace-temps a beaucoup de sens, parce que nous sommes travaillés par ce rapport. Kyle MacLachlan est une découverte, confirmée depuis : ses expressions faciales, son expression vocale, ses regards, correspondent à ce qu'un Paul charismatique est censé être – et on peut craindre que pour Chalamet, la comparaison sera un supplice. Mais il y a aussi Brad Dourif (!), Sting (sous employé, hélas !), Max Von Sydow, Jürgen Prochnow, Kenneth McMillan, parfait Baron. Apparemment, Villeneuve a choisi des cadors pour qu'ils ne souffrent pas de comparaison (à l'exception donc de ce Chalamet dont beaucoup s'inquiètent de l'absence d'épaisseur). Il faut voir la version longue, parce qu'on mesure à quel point les coupures de De Laurentiis ont modifié le récit, la cohérence, pour une mesquine volonté d'économie (quel sens peut avoir cette intention quand on s'est engagé dans un projet qui en soi représente un engagement qu'il faut faire, comme Lynch, à fond ? !). Comme le disait logiquement Nietzsche : deviens ce que tu es. La période la plus intéressante du film réside donc lorsque Paul et sa mère quittent la cité d'Arrakeen pour être envoyés à la mort, dans le désert, et que, grâce à "la voix", Paul parvient à prendre le contrôle d'un des pilotes Harkonnen, et, après l'avoir éliminé, celui du vaisseau. Parvenus dans le désert profond, ils sont dans Arrakis : une planète de sables (et, heureusement, de rochers), où les Vers traquent les ondes de surface. Apparemment, Villeneuve a compris les potentialités esthétiques de ces Terres de désert, mais aura t-il réussi à créer des images, pour nous, jouissives ou… ? A voir. Ensuite, il y a cette technique qui fait appel au son pour frapper et tuer. Cette technique, mentale/vocale, est issue de la Méditation – et Lynch est devenu un sincère, militant, de la Méditation Transcendantale. Autrement dit, que cela soit avec "Twin Peaks", comme avec "Dune", Lynch a un rapport personnel avec des éléments de ses/ces récits, ce qui est, à priori, assez unique, par comparaison avec des réalisateurs qui font des films/projets ("c'est notre proooojjjjjeeeeetttt !!!). Si Lynch avait pu faire "Dune" maintenant, avec les moyens techniques de notre époque et avec des moyens financiers à la hauteur, il aurait fait un film… "fantastique". Il eut été malin, de la part de producteurs, de le lui proposer, plutôt qu'à Villeneuve, même s'il aurait fallu se creuser la tête pour le convaincre. Un peu d'Epice y aurait aidé ? ! Là encore, alors que nous voyons tant d'êtres humains se satisfaire, à grand bruit, des limites de leur conscience, l'Epice, elle, comme avec ces substances psychédéliques des années 60/70, parvient à étendre son champ, à mieux percevoir, et y compris, à "voir", le "Destin". Et si, pour parler comme Rimbaud, les "élus" de nos cités avaient l'ambition d'être des "voyants" ? Au contraire, nous entendons un rire mauvais à être un aveugle qui, dans un jeu de quilles, fait tout tomber. Là, les "nobles" dirigeants sont à la hauteur de leur "noblesse". C'est un récit qui donne de l'espoir : nous ne sommes pas condamnés aux médiocres ou, pire. Mais il faut et regarder loin, et développer ses forces.
 

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