C’est avec le chapitre III, que Seghers fait connaître « les premières publications d’opposition« . Et il a tellement raison de rappeler qu' »il est assez facile aujourd’hui de suivre et de recomposer l’action, alors qu’entre 1940 et 1942, dépourvus d’informations, éparpillés, ici et là, quels étaient ceux qui se trouvaient en mesure de se faire une idée d’ensemble de la situation ?« . En effet : pas d’informations visuelles (la radio de Paris ment, radio Paris est allemand), pas de réseaux « sociaux », pas de téléphones portables, des communications filaires sous écoute. Il faut faire avec papiers et crayons, écrire, dessiner, et répandre, au hasard – et il faut avoir de la chance de ne pas être filé par les larbins du pétaino-nazisme. De ce qui se passe en Europe et dans le monde, c’est donc la presse aux ordres qui en parle, et surtout, n’en parle pas. Quand des trains bondés de civils, juifs et autres, partent vers l’est de l’Europe, pas de « journalistes » pour prendre acte, des notes, écrire un reportage, vouloir publier. C’est « silence, nuit et brouillard ». Mais les trains partent et il y a des témoins de. Le « bouche à oreille » fait savoir que des Juifs et des résistants sont « déportés ». Pour où et pour quoi ? Les résistants pensent, parlent, agissent, avec peu d’informations, mais ils savent, ils en ont des démonstrations quotidiennes sous les yeux, l’occupant nazi est féroce, cruel, criminel. Et il suffit d’écouter cet occupant pour comprendre qu’il est un occupant particulier : il n’est pas là pour un séjour momentané, avant de rentrer dans ses vallées bavaroises ou souabes, il est là parce que « nous avons un projet », un projet planétaire, et il s’agit de soumettre des peuples, les faire servir ou les détruire. L’union de la planification industrielle et du projet barbare, typiquement européen, de « génocide », est à la racine de l’existence nazie. Près de chaque Français, chaque être humain qui n’est pas nazi, il y a une menace totale, un individu qui signifie la mort, qui est la mort, conformément à la volonté fasciste.
Un des premiers à écrire/parler est Max-Pol Foucher, « poète et professeur » qui dirige, « la revue « Fontaine », (publiée à Alger), « ouverte aux poètes et aux écrivains résistants« , dans laquelle il fait paraître son propre texte », « nous ne sommes pas vaincus« . Et « nous » le sommes d’autant moins que, avec la parole poétique, il n’y a pas de « collaboration » avec le nazisme : la Poésie est, par essence, anti nazie/nazisme, et ces criminels détestent cette parole « qui ne sert à rien ». En août 40, « Jean Texcier édite une brochure clandestine d’une présentation très soignée, la première du genre, « Conseils à l’occupé », trente-trois préceptes qui sont autant de leçons de dignité et d’humour. Ainsi : « tu grognes parce qu’ils t’obligent à rentrer chez toi à 23 heures précises. Innocent, tu n’as pas compris que c’est pour te permettre d’écouter la radio anglaise ?« .
(…) « En octobre 1940, paraît Pantagruel, non plus dirigé par un parti politique, mais par un homme, Raymond Deiss, qui sera le premier journaliste résistant. Dans le premier numéro de, il est l’auteur d’un uppercut contre « Vous, Français, inertes et veules…« . Il sera arrêté, transféré en Allemagne et sera assassiné (décapité).




