Vincent Geisser, chercheur à l’Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman et à l'Institut français du Proche-Orient, est spécialiste du monde arabe et de la question de l'islam en Europe. Son dernier ouvrage : Renaissances arabes, sept questions clés sur les révolutions en marche (co-écrit avec Michaël Béchir-Ayari), aux Editions de l’Atelier.
Vincent : Comment la nouvelle Constitution tunisienne doit-elle être adoptée ? Un référendum est-il prévu ?
Vincent Geisser : En principe, il va y avoir tout un travail en commission pour discuter des futurs articles de cette Constitution, tant sous la forme que sur le fond. Dans un deuxième temps, elle doit être votée, et après la voie référendaire sera probablement adoptée, pour que cette Constitution bénéficie d'une légitimité populaire. Mais ce n'est pas encore tranché. Certains partis sont favorables au référendum, d'autres non.kilimutu : Pensez-vous qu'un parti religieux puisse être modéré ? Ne doit on pas craindre une rupture du processus démocratique ?
lola : Pouvons-nous dire qu'Ennahda est un parti d'extrême droite ?
C'est un parti ultraconservateur que l'on peut définir avec plusieurs caractéristiques : libéral sur le plan économique, sur le plan politique, il reconnaît la primauté du système pluraliste, il a renoncé à la théocratie, et en revanche sur le plan des valeurs et des mœurs, il reste un parti profondément conservateur.De ce point de vue-là, si ce parti a eu autant de succès auprès des électeurs tunisiens, ce n'est pas tant qu'il leur propose le grand soir islamique, qu'un retour à l'ordre après l'effervescence révolutionnaire des premiers mois. Ennahda apparaît d'abord comme le parti de l'ordre. En reprenant une terminologie occidentale, on pourrait le catégoriser comme parti populiste.
master$ : Est-ce que Ennahda imposera la charia ? Est-ce que Ennahda inscrira dans la Constitution un article sur la laïcité ?
Aujourd'hui, en Tunisie, il convient de préciser que pratiquement aucun acteur politique, de droite, de gauche ou du centre, ne propose d'introduire la référence à la laïcité dans la Constitution. On le déplore ou non, la laïcité est encore un thème tabou dans de nombreux pays arabes, y compris en Tunisie.En revanche, la plupart des partis politiques reconnaissent la nécessité d'une séparation entre religion et politique. Dans les faits, c'est bien plus complexe, dans la mesure ou de nombreuses forces politiques continuent à se référer à l'islamité comme mode de mobilisation. En ce sens, la référence à l'islam comme identité du futur régime n'est pas propre à la mouvance islamiste mais c'est débat qui traverse l'ensemble des courants politiques tunisiens. Officiellement les islamistes reconnaissent une certaine séparation entre le religieux et le politique, même s'ils ne la pratiquent pas toujours dans les faits.
Le terme charia est un terme générique qui signifie la voie, la loi, et on peut mettre derrière cette notion tout et n'importe quoi. Le problème n'est donc pas l'évocation de la charia mais la conception qui la sous-tend. Il est clair que les islamistes tunisiens sont favorables au maintien de références islamiques dans la Constitution, mais cela ne signifie pas forcément qu'il
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